Géodésie
Présentation
Les observations de géodésie et de gravimétrie spatiales présentent une sensibilité unique aux déformations de la Terre sous l’effet de différents forçages (charges d’eau à la surface par exemple) ou résultant de sa dynamique interne, ainsi qu’aux redistributions de masse associées, à toutes les profondeurs. C’est pourquoi elles peuvent apporter des informations originales sur la rhéologie de la Terre et sa dynamique interne, tout en permettant une surveillance des enveloppes fluides externes.
L’exploitation de ces observations présente plusieurs challenges, sur lesquels travaille l’équipe de Géodésie. Il s’agit d’intégrer les informations de différents capteurs de façon cohérente pour construire les champs de vitesse et de déplacement crustaux les plus précis possibles sur le long-terme et sur tout le globe, et de séparer dans les données les différents types de signaux et de bruits superposés. Ces travaux méthodologiques vont de pair avec la modélisation géophysique des signaux identifiés, en particulier pour l’étude de la rhéologie terrestre, du cycle sismique et des bilans d’eau dans les enveloppes externes.
L’équipe de Géodésie a été créée en 2019 par la fusion de l’équipe Gravimétrie et Géodésie Spatiale (IPGP) avec l’équipe LAREG (IGN) après l’intégration de l’Institut National de l’Information Géographique et Forestière (IGN) parmi les tutelles de l’UMR IPGP.
Les domaines d’expertise de l’équipe permettent d’accompagner le développement de nouveaux capteurs spatiaux, aéroportés et en surface pour ce qui concerne leurs spécifications scientifiques ou le développement de méthodes d’analyse dédiées.
Plusieurs membres de l’équipe participent à la coordination et à l’animation du pôle national thématique ForM@Ter en Terre Solide.
Thématiques de recherche
Les redistributions de masse au sein du système Terre (Terre solide, océans, atmosphère, réservoirs hydrologiques continentaux, calottes glaciaires) induisent des variations du champ de pesanteur terrestre à
toutes les échelles de temps et d’espace. Depuis 2002, ces variations sont suivies par les missions de gravimétrie satellitaire GRACE (2002-2017) et GRACE Follow-On (depuis 2018) avec une résolution temporelle de 10 jours à 1 mois, et spatiale de 300-400 km. En offrant une contrainte unique sur les déplacements de masse, y compris en profondeur, la gravimétrie spatiale est indispensable à l’étude de nombreux phénomènes géophysiques : suivi des réserves d’eau continentales, bilan de masse des calottes polaires, causes des variations du niveau de la mer, processus post-sismiques, etc.
La position et la vitesse d’un point à la surface terrestre sont connues grâce aux mesures de géodésie spatiale, qui permettent de déterminer les distances entre un réseau de stations au sol et un ensemble de satellites artificiels en orbite autour de la Terre (incluant les satellites des systèmes GPS, Galileo, DORIS,…). Leur définition, et la combinaison de ces différents types d’observations, nécessite de les exprimer dans un repère de référence, c’est à dire un trièdre centré au plus près du barycentre instantané des masses terrestres, associé à une échelle de longueur. La détermination précise des déformations de la Terre requiert une connaissance au moins aussi précise des paramètres de ce repère. Elle est indispensable à de nombreuses applications civiles et scientifiques : positionnement et navigation, orbitographie, niveau de la mer, déformations de la Terre (ex : séismes, rebond post-glaciaire, …).
Les domaines des technologies quantiques et de la métrologie ont connu un essor fulgurant ces dernières décennies dans la mesure du temps/fréquence. Avec des horloges atomiques optiques qui atteignent des incertitudes en fréquence relative, Δν/ν, de l’ordre de 10-19 (soit une erreur de 1 seconde pour 300 milliards d’années écoulées), il est désormais possible de faire du nivellement chronométrique, pensé en 1983, et explorer les applications qu’offrent ces instruments en géodésie et en géophysique.
L’idée repose sur l’utilisation du décalage spectral gravitationnel, un effet relativiste, qui prédit que le battement d’une horloge dépend de la vitesse à laquelle elle se déplace et de l’intensité du potentiel gravitationnel environnant. Cela signifie que si on compare le battement de deux horloges avec une incertitude à 10-18, alors il est possible de mesurer directement entre ces horloges leur différence de potentiel de pesanteur, ΔW, avec une sensibilité de l’ordre de 0.1 m2/s2 ou leur dénivelé, ΔH, avec une précision centimétrique . Ce type de mesure est original et inédit car les techniques géodésiques classiques permettent de déterminer indirectement le potentiel gravitationnel uniquement à partir de données gravimétriques et de nivellement classique.
Ces observables peuvent apporter de nouvelles informations sur les structures à l’origine des signatures spectrales à moyenne et grande longueur d’onde du champ de pesanteur, et leur localisation à grande profondeur. D’autre part, elles pourront aider à mieux modéliser nos surfaces de références altimétriques (géoïde), caractériser les erreurs dans repères de nivellement et unifier les repères de références verticaux avec une précision décimétrique – centimétrique.
L’ANR ROYMAGE, qui a débuté en 2021, tente de répondre à ces questions géodésiques et géophysiques.
La propagation des signaux des systèmes de géodésie spatiale est impactée par la traversée de l’atmosphère (ionosphère et troposphère). Pour les techniques radiofréquences (GNSS, DORIS et VLBI), les retards de propagation dus à la vapeur d’eau dans la troposphère ont longtemps été la source d’erreur principale pour la détermination précise de la composante verticale de position des stations. L’amélioration des modèles de propagation utilisés dans les logiciels scientifiques permet aujourd’hui d’estimer cette composante avec une précision de 5 à 10 mm, typiquement pour une session d’observation de 24 h, en-dehors des cas d’événements météorologiques extrêmes et/ou de petite échelle à proximité de la station. Ce calcul s’accompagne d’une estimation conjointe des retards troposphériques « humides » (dus aux molécules d’eau dans l’atmosphère) avec un niveau de précision et une cadence compatibles avec les besoins des modèles de prévision météorologique, via l’assimilation de données dans l’heure qui suit la mesure. La technique évolue actuellement pour répondre aux besoins de suivi du changement global (mesure de l’augmentation du contenu total en vapeur d’eau de l’atmosphère sous l’effet du réchauffement). Les nouveaux défis méthodologiques dans le domaine concernent la réduction des biais absolus dans l’estimation des retards de propagation et, de manière corrélative, de la composante verticale des techniques de géodésie spatiale, et la détection des ruptures dans les séries chronologiques dues aux changements instrumentaux et environnementaux des stations.
L’équipe Géodésie utilise la gravimétrie pour étudier les volcans.