Observatoire volcanologique et sismologique de la Guadeloupe (OVSG-IPGP)
Adresse
Le Houëlmont, 97113 Gourbeyre, Guadeloupe
La Soufrière en direct
Cliquez sur la station pour afficher la webcam.
L’Observatoire Volcanologique et Sismologique de Guadeloupe (OVSG) est l’un des quatre observatoires volcanologiques dédiés à la surveillance des volcans actifs français (Soufrière de Guadeloupe, Montagne Pelée en Martinique, Piton de la Fournaise à la Réunion, volcanisme sous-marin au large de Mayotte). Cette surveillance s’effectue sous la responsabilité de l’Institut de Physique du Globe de Paris (IPGP), Grand Établissement de recherche et d’enseignement supérieur dans tous les domaines des Sciences de la Terre.
Les effectifs permanents (hors missionnaires) de l’OVSG varient de dix à vingt agents, incluant des enseignant- chercheurs, chercheurs, ingénieurs et techniciens, dépendant du Corps National des Astronomes et Physiciens (CNAP), du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) et de l’IPGP.
C’est à partir de 1950 que s’organise l’observation pérenne de La Soufrière. La propriété du Parnasse, située au pied du volcan, sur les hauteurs la commune de St Claude, est achetée le 21 mars 1950 et devient une base avancée de l’IPGP. Le Laboratoire de physique du Globe est ainsi créé. Sa proximité avec le volcan lui permet de développer un travail de terrain. Dès 1950, deux sismographes sont installés au Parnasse. Une cave sismique est creusée en 1952 et équipée de deux sismographes électromagnétiques en 1956. Cette même année a lieu une éruption phréatique.
Aussi, à partir de 1962, le département participe au développement d’une structure mieux dotée en moyens. En 1964, un véritable réseau sismique est mis en place. Les stations étaient alors reliées à l’observatoire par câbles et il faut attendre 1975 pour voir les premières télétransmissions. Néanmoins, c’est grâce à ce réseau que put être détectée la crise sismique de la Soufrière et que fut envisagée dès mars 1976 l’éventualité de manifestations de surface.
Lorsque la région Saint-Claude / Basse-Terre est évacuée en juillet-août 1976, l’observatoire est installé dans la Grande Poudrière du Fort St-Charles à Basse-Terre. Les réseaux de surveillance y resteront pendant 17 ans, tandis que le laboratoire de géochimie et l’administration retournent au Parnasse à l’issue de la crise.
En 1977, Le laboratoire devient l’Observatoire Volcanologique de la Soufrière. Toutefois, la proximité immédiate avec le volcan est remise en cause. En 1989 commence alors la construction d’un observatoire moderne au sommet du Houëlmont, situé à 9 km au sud-ouest de la Soufrière. Cet emplacement privilégié, à vue du volcan, facilite la réception des données par transmissions hertziennes.
En 2001, en raison de son implication toujours plus importante dans le domaine de la sismologie et des recherches liées au risque sismique, l’IPGP rebaptise l’observatoire de son nom actuel : Observatoire Volcanologique et Sismologique de Guadeloupe.
Les missions confiées à l’observatoire de Guadeloupe sont les suivantes :
1- Surveillance de l’activité volcanique de la Soufrière de Guadeloupe par le biais de l’enregistrement de séries temporelles de données géophysiques et géochimiques de qualité, complétées par des observations visuelles de la phénoménologie dans le but de :
- comprendre le fonctionnement du volcan ;
- détecter un changement de comportement et l’évaluer en terme de potentiel éruptif ;
- informer les autorités responsables de la protection des personnes et des biens.
2- Surveillance de la sismicité régionale (Guadeloupe et ses îles proches) liée à l’activité tectonique de l’arc des Petites Antilles par le biais de l’enregistrement continu de la sismicité, dans le but de :
- avertir les autorités des caractéristiques d’un séisme ressenti et des répliques qui peuvent y être associées ;
- établir sur des longues durées les caractéristiques spatio-temporelles de la sismicité régionale et locale pour contribuer à la zonation du risque sismique.
3- Favoriser et participer aux travaux de recherche fondamentale et appliquée en géophysique, géochimie, et géologie concernant le volcanisme, la sismologie et la tectonique régionale, y compris dans le cadre de coopérations régionales.
4- Contribuer à l’information préventive et à la divulgation des connaissances dans les domaines du risque volcanique et du risque sismique, ainsi qu’à la formation en matière de volcanologie, géologie, géophysique et géochimie.
Le complexe de la Grande Découverte-Soufrière est composé de trois stratovolcans, Grande Découverte, Carmichaël et Soufrière, qui se sont construits durant les derniers 445 000 ans. La Soufrière est l’édifice le plus récent et son histoire a débuté il y a environ 9150 ans. Il s’agit d’un volcan actif, de type explosif, ayant connu de nombreuses éruptions magmatiques et non-magmatiques, dites « phréatiques », par le passé.
La dernière éruption magmatique majeure, qui date du XVIe siècle (1530 ± 30 ans ; Komorowski et al., 2008) a conduit dans sa phase finale à la formation du dôme actuel. Les reconstitutions et modélisations récentes montrent qu’elle a commencé par un écroulement partiel du flanc du volcan avec une avalanche de débris qui a atteint la mer au niveau de Basse-Terre. Il a été suivi d’une explosion plinienne modérée avec une colonne de gaz et de particules solides atteignant 10-12 km d’altitude, des retombées de ponces atteignant environ 6 cm d’épaisseur à Saint-Claude, et des coulées pyroclastiques dans les vallées radiales jusqu’à des distances de 5-6 km du dôme. L’éruption s’est terminée par la construction du dôme actuel de la Soufrière associée à la mise en place de coulées pyroclastiques dans les vallées radiales.
Depuis, les éruptions qui se sont produites ont été uniquement phréatiques impliquant une décompression explosive du système hydrothermal et l’éjection de matériaux anciens du volcan sans apport de magma nouveau. Ces éruptions ont été majeures en 1797-98, 1836-37 et 1976-77 et mineures en 1690, 1809-1812, et 1956. Les phénomènes associés à l’activité non-magmatique dite phréatique incluent des explosions verticales et latéralement dirigées, des retombées de cendres et de blocs, des écoulements pyroclastiques non-magmatiques, des coulées de boue, du dégazage acide pouvant contaminer l’environnement. Les éruptions non-magmatiques majeures peuvent également engendrer des effondrements partiels de l’édifice et la mise en place d’avalanche de débris sur quelques kilomètres de distance.
Depuis 1992 et la réactivation du Cratère Sud, l’activité fumerollienne n’a cessé d’augmenter lentement d’année en année avec en particulier l’apparition d’HCl en 1998. Après la réactivation du gouffre Tarissan en 2000, du gouffre Napoléon en 2003, du gouffre 56 en 2007, de 2 fumerolles le long des fractures Lacroix en 2011 (entre le cratère Sud et le gouffre 56), d’une zone du gouffre Breislack en 2013, une nouvelle fumerolle est apparue au sommet en juillet 2014 : la zone Napoléon Nord (Figure 1.1). Cette zone fumerollienne a continué de s’étendre, associée à la progression d’une anomalie thermique (>50 °C au sol). En 2016 l’apparition d’une nouvelle fumerolle nommée Napoléon Est en février (Figures 1.1 et 1.2) marque une étape majeure de l’évolution du sommet. Depuis le début de l’année 2018 nous assistons à un processus cyclique d’injection de gaz magmatiques profonds à la base du système hydrothermal à une profondeur entre 2 et 3 km sous le sommet. Ceci engendre un processus récurrent de surchauffe et de surpression du système hydrothermal qui se traduit par: 1) des perturbations de la circulation des fluides hydrothermaux; 2) l’évolution de l’activité des fumerolles au sommet qui a produit par le passé occasionnellement (au moins en février 2016, novembre 2021, mai 2022) des projections de boue brûlante et acide ou une poussière fine sur quelques mètres pour au moins 2 fumerolles (Cratère Sud Nord ; NapE1); 3) une augmentation de la sismicité volcanique en essaim; 4) quelques séismes volcaniques ressentis (quatre entre février et avril 2018) dont un séisme de magnitude M4.1 le 27 avril 2018, le plus fort depuis 1976; 5) des déformations horizontales de faible amplitude et limitées au dôme de La Soufrière de l’ordre de 3 à 7 mm/an et la poursuite de l’ouverture des fractures sommitales; 6) la fluctuation des débits du gaz fumerolien issus d’un réservoir hydrothermal pressurisé; 7) une progression des anomalies thermiques dans le sol au sommet de La Soufrière. Si ces phénomènes incitent l’observatoire à la vigilance instrumentale, ils ne sont pour l’instant pas clairement associés à une anomalie des autres paramètres de surveillance qui pourrait indiquer une éventuelle remontée de magma. Cette dernière se manifesterait typiquement, mais pas systématiquement, par des séismes profonds et/ou ressentis plus nombreux et plus énergiques, des déformations de plus grande amplitude au-delà du dôme, et l’émission de gaz soufrés à haute température (> 150°C). La probabilité d’une activité éruptive à court terme reste faible. Cependant, compte tenu du regain d’activité sismique et fumerolienne enregistré depuis février 2018, un changement de régime du volcan a été constaté tel qu’on ne puisse pas exclure une intensification des phénomènes dans le futur. En conséquence, l’OVSG-IPGP est en état de vigilance renforcée.
L’arc insulaire des Petites Antilles résulte du plongement de la plaque Amérique sous la plaque Caraïbe, à une vitesse de convergence de 2 cm/an. Elle provoque une déformation de la limite de ces plaques, faisant de l’archipel de Guadeloupe une région à forts aléas volcanique et sismique. Certains séismes sont directement liés aux processus de glissement entre les deux plaques. D’autres, plus superficiels, résultent de la déformation de la plaque Caraïbe. D’autres encore résultent de la rupture de la plaque océanique plongeant sous la Caraïbe. Durant la période historique, plusieurs séismes ont causé des dégâts et victimes en Guadeloupe (intensités supérieures ou égales à VII) : 1735, 1810, 1843 (destruction de Pointe-à-Pitre), 1851, 1897, 2004 (Les Saintes) et 2007.
La mutualisation des données sismologiques entre les partenaires régionaux des Petites Antilles, le SRC de l’Université de Trinidad et Tobago, le KNMI des Pays Bas, l’Observatoire Volcanologique de Montserrat, l’USGS, le PRSN de l’Université de Mayaguez à Porto Rico, les OVS des Antilles de l’IPGP, permet de construire un réseau à l’échelle de l’arc. Les données de chaque station de ce réseau sont reçues à l’OVSG, soit par satellite, soit par Internet. Ainsi depuis 2009, la localisation des séismes se fait à l’échelle de l’arc. Cet effort améliore considérablement notre vision de la sismicité, maintenant à l’échelle pertinente de l’objet géologique majeur de la région, pour améliorer la compréhension des processus sismotectoniques et volcanique de la subduction antillaise.